Résumé :
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Strongly shaken by the food crises of the last decade, consumers are gaining back confidence of the sanitary quality of the beef products. Probably as a consequence, those recent events have reactivated strong concerns for a better knowledge of the "origin" of the beef meat (linked with meat and livestock production system and its location). However, very few projects are dealing with such a qualification of the beef meat contrary to what is observed for other foodstuffs. To understand such a deficiency, we decided first to study the hindrances for differentiating beef meats. The principal obstacle is due to the complexity of the distribution chain and to the weakness of the communications between the various actors of that chain. As a result, the origin of the piece of meat is difficult to trace back. Consequently, we postulated that the best way to build up the construction of the origin of the meats was to connect the various actors and their crafts in order to clear and assure the links between the animal, its carcass and its meat. Nevertheless, those links are not self-evident. In particular they require the agreements between the professionals. They should be built on technical tools specifically dedicated to the transmission of the origin through the chain including in particular grids of evaluation of the animals and of the carcasses, codes of practices, interprofessional commission, and slaughtering and carving conditions. We tested our ideas by analysing five French projects of certification of the origin of beef meats concerning around 10.000 animals. We observed in particular the technical operations of the stockbreeders and of the butchers engaged in those projects. We used different new specific paradigms and methods for describing the know-how of those professionals. In a first step we specified, for each type of animal, the know-how of stockbreeders to rear their animals and of the butchers to transform the carcasses in pieces of meat. For that, we developed a modern methodology for the analysis of know-how. We applied it in particular to the butchers in order to give a signification to the different techniques of cutting. One thousand surveys, direct observations of the activities and the video recording of the operator were done, in particular during the carving of the carcass (8 cases). Then, we collected his/her comments ex post when confronted with the previous record of his/her activity. This work enabled us to define among the complex carving operations, those ones specific to the local know-how that contribute significantly to the qualification of the origin of the meats. In a second step, two main tracks for transmitting the origin from the animal to the piece of meat were highlighted by modelling them: - In some cases, the carcass is informative and the technical operations are mainly directed around its qualification. The modes of carving of the meat are in this case very important for revealing the potential of "typicity" of the meats in its various culinary uses. - In others cases, the carcass is not informative of the type of meat. In other words, this type of carcass does not offer a good reference of the origin of the animal. So, the animal is directly connected with its meat. The agreement between the stockbreeders and the butchers on the type of animal is, in this case, essential to produce a suited animal and not more the carving, as in the previous case. Whatever, the way of the transport of the origin chosen, the connection between the different actors requires that each parts of the supply chain imagine a technical "solidarity" that the current technical tools of supply chain are to a great extent erasing.
Fortement ébranlés par les crises alimentaires de la dernière décennie, les consommateurs regagnent progressivement confiance dans la qualité sanitaire des viandes bovines. Cependant, ces évènements ont renforcé de nouvelles demandes en faveur d'une meilleure connaissance de l'origine de la viande liée au lieu et aux modes de production. Pourtant, contrairement à d'autres produits alimentaires, peu de projets ont aujourd'hui vu le jour pour qualifier ainsi la viande. Pour comprendre cette carence, point de départ de notre réflexion, il faut se pencher de façon globale sur les obstacles à la différenciation des viandes bovines. Le principal obstacle est lié à la complexité du circuit de commercialisation et aux manques de communication entre les différentes parties prenantes de la filière. Dans ces conditions, il est difficile de transporter l'origine de l'animal jusqu'au morceau de viande. En conséquence, la construction de l'origine des viandes consiste à mettre en connexion les différents métiers et leurs savoir-faire respectifs afin d'assurer le lien entre l'animal, sa carcasse et sa viande. Néanmoins, ce couplage n'est pas spontané. Il nécessite la construction d'accords entre les professionnels qui se concrétisent autour de dispositifs techniques spécifiquement dédiés au transport de l'origine (grille d'évaluation des animaux ou des carcasses, cahier des charges, commission interprofessionnelle, mode d'abattage, type de découpe). Pour mener à bien ce travail, nous nous sommes appuyés sur l'observation des fonctionnements techniques des éleveurs et des bouchers engagés dans cinq démarches de certification, en Appellation d'Origine Contrôlée concernant près de 10.000 animaux. Nous avons exploré les différentes modalités qui permettent aux dispositifs techniques d'assurer la mise en connexion entre les savoir-faire des professionnels. Une première analyse a consisté à préciser, pour chaque type d'animal les savoir-faire mobilisés par les différentes catégories professionnelles (éleveurs et bouchers au sens large) pour élever leurs animaux puis pour transformer les carcasses en morceau de viande. Pour cela, nous avons développé une méthodologie spécifique pour l'analyse des savoir-faire (en particulier ceux des bouchers) qui cherche à donner un sens aux actes de découpe. Ce travail a nécessité une centaine d'enquêtes, des suivis d'activités et le filmage d'opérateurs en situation de travail puis le recueil de ses commentaires ex post par auto-confrontation et confrontations croisées (8 situations au total). Cette exploration nous a permis de repérer parmi l'ensemble des savoir-faire inclus dans les pratiques de découpe, ceux spécifiquement locaux qui concourent à la qualification de l'origine des viandes. Dans un second temps, nous avons modélisé, dans ces différentes situations, plusieurs voies de transport de l'origine de l'animal vif au morceau de viande : - Dans certains cas, la carcasse est informative et les dispositifs techniques sont principalement orientés autour de sa qualification. Les modes de découpe de la viande sont dans ce cas très importants pour révéler le potentiel de typicité des viandes dans ses différentes utilisations gastronomiques. - Dans d'autres, la carcasse n'est pas informative du type de viande. Autrement dit, ce type de carcasse n'offre pas de repères décidables sur l'origine de l'animal et de sa viande. Ainsi, l'animal vif est directement mis en connexion avec sa viande. L'accord entre les éleveurs et les bouchers sur le type d'animal qui convient est dans ce cas essentiel, et non plus la découpe, pour produire un animal sur mesure. Quelle que soit la voie de transport de l'origine choisie, la mise en connexion nécessaire des métiers exige que les parties prenantes de la filière réinventent une "solidarité" technique que les dispositifs techniques de filière existants ont eu tendance à effacer.
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