Résumé :
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L'objectif de cette étude était d'identifier et de quantifier les contraintes hydriques subies par les chênaies de la Harth et d'évaluer leur rôle dans les phénomènes récents de dépérissement (mortalité et perte de croissance) des chênes de ce massif. Les contraintes hydriques liées au contexte pédo-climatique de la Forêt de la Harth ont été quantifiées par modélisation mécaniste de bilan hydrique [Granier et al, 1999). La pluviométrie varie fortement selon un gradient du nord (640 mm) au sud (800 mm). La réserve utile des sols de chacune des 70 placettes dendroécologiques a été estimée à partir de descriptions pédologiques réalisées sur fosses. Les sols, à texture sableuse et à forte charge en cailloux, sont très filtrants et offrent une réserve utile faible (80-100 mm). Le couvert de chaque peuplement a été caractérisé en 1996 par son indice foliaire (LAI) et par la longueur de sa saison de végétation. La transpiration d'une strate herbacée couvrante a été quantifiée à différentes périodes de la saison à l'aide de chambres à transpiration. Le rayonnement atteignant la strate herbacée conditionne l'intensité de cette transpiration : la transpiration herbacée maximum a été estimée à 3.5 mm.j-l lors de journées à fort rayonnement avant débourrement des chênes ; lorsque le couvert arborescent atteint son LAI maximum, la contribution de la strate herbacée devient négligeable. Le modèle de bilan hydrique forestier journalier proposé pour calculer l'évolution saisonnière de la réserve en eau du sol a été validé par des mesures directes de l'humidité volumique du sol et les précipitations sous couvert. Les mesures d'humidité volumique du sol, réalisées par TDR, ont permis l'évaluation in situ de la réserve utile et ont révélé des prélèvements racinaires jusqu'à 2 m de profondeur. Le modèle proposé a montré une bonne cohérence avec les mesures réalisées in situ autorisant l'utilisation de ce modèle pour une reconstruction rétrospective du bilan hydrique. La croissance radiale des chênes a ensuite été reconstruite à partir de données mensuelles de température et de pluviométrie. Ia pluviométrie cumulée des mois de mai, juin et juillet explique la plus grande part de la variahilité interannuelle de croissance (46% pour le sessile, 41% pour le pédonculé). Toutefois, sur la période récente au cours de laquelle une perte de croissance et un dépérissement ont été constatés (1964-94), les variables pluviométriques mensuelles n'expliquent pas la variance interannuelle de croissance, ni les écarts entre espèces. Les épisodes de contrainte hydrique ont alors été reconstruits grâce à la modélisation du bilan hydrique journalier paramétré pour chaque placette (réserve utile, indice ïoliaire) ; l'évolution de la réserve en eau du sol a ainsi été évaluée à partir de chronologies climatiques quotidiennes remontant à 1964. Un indice de stress caractérisant la durée et l'intensité du déficit hydrique, défini par rapport à au seuil de régulation de la transpiration de 0.4 * RU, a été calculé pour chaque année et chaque placette. Les variations inter-annuelles des indices de stress hydriques sont significativement corrélées aux variations de croissance radiale mises en évidence par l'étude dendroécologique du massif. La perte de croissance du chêne pédonculé s'est amorcée lors de la sécheresse de 1972 et l'écart entre sa croissance et celle du chêne sessile s'est accentué progressivement lors des déficits hydriques de 1976, 1983 et 1985. La contrainte hydrique de l'année 1989 a été la plus sévère depuis 1964 et est sans doute responsable des fortes mortalités ayant conduit à la mise en place de l'Observatoire Ecologique de la Harth. Ces travaux ont de plus mis en évidence des différences de réponse au climat entre les deux espèces de chênes, la croissance du pédonculé d'une année étant plus fortement conditionnée par la croissance de l'année précédente. Le calcul de bilan hydrique journalier s'est montré beaucoup plus puissant que les pluviométries mensuelles pour détecter les contraintes hydriques affectant significativement la croissance radiale des deux espèces de chênes.
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