Résumé :
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Depuis plus d'un siècle, les préparations à base de cuivre se sont imposées comme antifongiques. Dans les vignes, des quantités importantes de cuivre sous forme de bouillie bordelaise ont été apportées pour lutter contre le mildiou. Malgré une nette diminution des doses utilisées, depuis une vingtaine d'années, les apports cumulés ont conduit à des teneurs en cuivre dans les sols de vignoble pouvant atteindre plusieurs centaines de mg Cu / kg sol. Afin d'estimer les effets du cuivre sur la microflore des sols, deux sites d'études ont été choisis. Le dispositif "cuivre" d'Hagetmau (Landes) est un site de contamination monométallique mis en place par l'INRA de Bordeaux en 1986. Du sulfate de cuivre a été apporté pendant 8 années, avec des apports annuels de 12,5 et 50 kg/ha de cuivre. Nos travaux ont porté principalement sur deux parcelles, l'une contaminée (91 mg Cu / kg sol), l'autre non (14 mg Cu / kg sol). Un effet significatif du cuivre sur la biodiversité à partir de souches bactériennes isolées a été mis en évidence par l'analyse ARDRA. L'étude de la tolérance au cuivre de certaines populations montre que le cuivre agit comme une pression de sélection soit par l'adaptation soit par la sélection de populations. L'effet du cuivre sur les activités microbiennes a été estimé à travers l'exemple de la nitrification et de la dégradation de deux herbicides, le glyphosate et le diuron. Pour les activités étudiées, les effets induits par le cuivre apparaissent finalement limités, et plutôt moindres que les effets sur les populations (dont le niveau de biomasse microbienne). L'effet dépressif du cuivre sur la biomasse microbienne s'explique au moins en partie par un mécanisme de découplage énergétique, comme cela a pu être mis en évidence par l'étude de la métabolisation du glucose. Dans des parcelles du vignoble bourguignon, bien que l'on observe une relation inverse entre la biomasse microbienne et les teneurs des sols en cuivre, la dégradation du diuron, du glyphosate et des substrats des plaques Biolog® GN n'est pas fortement corrélée aux teneurs en cuivre. En ce qui concerne le diuron, il semble que les vitesses de dégradation soient principalement déterminées par l'historique de traitement, indépendamment de la teneur du sol en cuivre. Au moins en ce qui concerne cet herbicide, le rôle épurateur du sol n'est donc pas altéré par le cuivre. Globalement, il ressort de notre étude que les conséquences d'une accumulation de cuivre dans les sols sont multiples. On observe généralement une diminution de la biomasse microbienne, qui peut être attribuée aux effets conjugués d'une altération du métabolisme énergétique et d'une toxicité propre du cuivre. Cette toxicité affecte certains groupes microbiens plus que d'autres, ce qui est à l'origine d'une modification de la "biodiversité". En outre, dans les parcelles contaminées, on constate une augmentation de la tolérance au cuivre des populations microbiennes. Les microorganismes tolérants seraient donc en mesure d'assurer l'activité biologique du sol, malgré la présence de cuivre. Cette conclusion reste toutefois limitée aux populations et activités étudiées ici. Une étude spécifique des groupes les plus sensibles devra être conduite pour compléter ce travail. Il reste également à rechercher les conditions dans lesquelles la toxicité du cuivre pourrait s'accompagner de dommages irréversibles au niveau de la biocénose des sols. En attendant, une utilisation plus raisonnée du cuivre et une forte limitation des apports annuels reste sans aucun doute une sage précaution pour préserver le patrimoine sol.
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