Résumé :
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Depuis le début du XXème siècle, de nombreuses populations de grande alose (Alosa alosa) ont disparu ou sont en régression. Celle du bassin versant Gironde-Garonne-Dordogne, située au coeur de l'aire de répartition de l'espèce est la seule à être encore à un niveau d'abondance important et à ne pas montrer de signes de déclin. Ce travail sur le fonctionnement de cette population de référence a un double intérêt : vérifier la cohérence des connaissances écologiques, biologiques et halieutiques, complétées par des informations nouvelles, en les structurant au sein d'un modèle de dynamique de cette population et favoriser une gestion responsable des populations de grande alose à l'échelle des bassins versants en permettant l'intégration des résultats de ce travail dans les tableaux de bord en cours de réflexion. Le coeur de notre travail a consisté à élaborer un modèle décrivant globalement le fonctionnement de la population de grande alose du bassin versant ; nous en avons également extrait un sous-modèle plus immédiatement opérationnel, permettant de prévoir les effectifs de géniteurs devant entrer dans le bassin, une année donnée, à partir de ceux des juvéniles ayant quitté le bassin les années précédentes. L'élaboration de ces modèles a nécessité une analyse et une traduction quantitative des principaux processus, naturels ou non, de la dynamique de cette population : migration, reproduction, mortalité naturelle, mortalité par pêche, autres mortalités d'origine anthropique. Les paramètres permettant de modéliser ces processus ont été estimés à partir des effectifs de juvéniles et de géniteurs des années 1989-1996, ainsi que des structures des flux de géniteurs en sexe, âge et taille, estimées par échantillonnage au cours des années 1994-1996. Pour quantifier les effectifs de juvéniles (entre 770 000 et 4 930 000) nous avons précisé la méthode d'estimation et souligné l'existence de plusieurs pics d'arrivée en estuaire. Pour quantifier les effectifs de géniteurs (entre 269 000 et 616 000) nous avons utilisé l'ensemble des informations disponibles à l'échelle du bassin versant (captures par pêche, franchissement aux barrages, fréquentation des zones de frayères). Le taux instantané de mortalité par pêche a été estimé à : 0,12 en estuaire, 0,49 en Garonne et 0,75 en Dordogne. La reproduction est décrite par une fonction de Ricker (arick = 99,191 et brick = 7,717 10 puissance 6). Le taux de mortalité naturelle durant la phase marine a été estimé conjointement avec la maturité sexuelle : il est de 0,3528 pour les femelles et de 0,3445 pour les mâles. Nous avons établi le premier modèle global décrivant le fonctionnement de la population de grande alose du bassin versant Gironde-Garonne-Dordogne : il est déterministe, non stochastique, spatialisé et structuré en âge et en sexe. Sa simulation de calibrage présente un état d'équilibre, dont les effectifs et les structures sont équivalents à la moyenne de ceux observés dans la réalité durant la période prise en compte. Les valeurs des paramètres de calage sont donc considérées comme plausibles. Notre modèle s'avère très sensible aux variations du taux de mortalité des femelles, Mf, des paramètres arick et brick de la relation de Ricker et, dans une moindre mesure, aux variations des mortalités par pêche Fgar, Fdor ainsi qu'au poids moyen des femelles de 5 ans, pds5. Le modèle prédictif juvéniles-géniteurs issu du modèle global, parvient à stimuler les faibles effectifs de géniteurs observés en 1992 et 1993. Les écarts entre les observations et les calculs du modèle sont explicables en partie par une sous-estimation des comptages de géniteurs (individus ni capturés, ni observés), l'ajout de points de comptage supplémentaires pourrait améliorer cet aspect. On peut donc penser sous réserve d'une validation, qu'il pourrait permettre de prévoir les variations majeures des effectifs de géniteurs, ce qui pourrait être un élément important de la gestion de cette population. Une fois leur valeur estimée contrôlée, les taux de mortalité par pêche pourrait être utilisés comme facteurs de maîtrise. Cette première exploration par un modèle du fonctionnement d'une population de grande alose permet de dégager quelques priorités parmi les connaissances à acquérir, il s'avère notamment essentiel de vérifier l'unicité de la population à l'échelle du bassin et de préciser le comportement des aloses dans l'estuaire dont la cinétique de dévalaison conditionne l'estimation des effectifs et par là même, de nombreux autres paramètres de notre modèle.
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