Résumé :
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Si un bilan écologique des pêches devait être dressé, il pourrait être décliné en trois points: les captures mondiale approchent leur limite maximale dans un contexte de demande croissante, 60 à 70% des stocks sont en situation de pleine exploitation ou de surexploitation, et le niveau trophique moyen des captures est en baisse. Une telle pression de pêche n'est pas sans modifier la structure des écosystèmes marins. Ainsi, dans son code de conduite pour une pêche responsable, la FAO souligne la nécessité de mener une gestion écosystémique des pêches, visant une exploitation soutenable des écosystèmes tout en préservant leur biodiversité et l'intégrité des processus écologiques essentiels. Les objectifs de cette thèse sont d'identifier les questions écologiques soulevées par la pratique d'une telle gestion et d'y apporter des éléments de réponses (i) en testant des hypothèses de fonctionnement des écosystèmes marins pour une meilleure compréhension des mécanismes qui régulent leurs dynamiques, (ii) en évaluant les effets de la pêche et de certaines mesures de gestion de sont activité sur les écosystèmes. Pour répondre à ces objectifs, la thèse s'appuie sur l'élaboration et l'utilisation du modèle multispécifique OSMOSE (Objet-oriented Simulator of Marine ecOSystems Exploitation). La thèse est organisée en quatre parties. La partie I propose une synthèse des différentes théories et modèles des communautés multispécifiques marines. La partie II argumente les choix des hypothèses et du formalisme individus-centré sur lesquels repose le modèle OSMOSE. L'hypothèse d'une prédation opportuniste, fondée sur la taille corporelle des poissons et sur leur co-occurrence spatio-temporelle, se situe au c½ur de la démarche adoptée. Ainsi, plutôt que d'appréhender les réseaux trophiques à partir de relations interspécifiques pré-établies, ceux-ci sont considérés comme étant fondamentalement dynamiques. L'hypothèse de prédation opportuniste est de plus cohérente avec deux phénomènes fréquemment observés en milieu marin: l'omnivorie et le cannibalisme. La partie III présente en détail le modèle OSMOSE. Celui-ci vise à être complémentaire d'autres modèles multispécifiques halieutiques, en permettant l'étude de communautés potentiellement riches en espèces et variables en structure, de dynamiques multispécifiques spatiales structurées en âge et en taille, et des scénarios de pêche variés. La partie IV est consacrée à l'analyse d'un ensemble de simulations réalisée à l'aide de OSMOSE. Dans un premier temps, l'hypothèse de prédation fondée sur la taille corporelle est testée, par la confrontation des dynamiques spécifiques et écosystémiques simulées aux observations faites dans les écosystèmes marins. deux propriétés émergentes des écosystèmes marins sont ainsi retrouvées: la relative stabilité de leur biomasse et de l'allure de leur spectre de taille, contrastant avec la variabilité des dynamiques spécifiques. Conformément aux études empiriques, les spectres de taille simulés suggèrent une relation linéaire décroissante de la distribution en log.log des fréquences de tailles. Lorsque les petites tailles de poissons sont prises en compte, une fonction quadratique s'ajuste mieux au spectre de taille, suggérant que les faibles effectifs observés dans les classes de petites tailles ne reflètent pas nécessairement un biais d'échantillonnage mais pourraient être liés au processus de prédation lui-même. Puis, afin d'évaluer l'intensité des modifications induites par la pêche sur la structure des communautés, trois attributs du spectre de taille sont étudiés: sa pente, son intercept et sa courbure. Comme suggéré par plusieurs études empiriques et théoriques, l'augmentation de la mortalité par pêche induit une plus forte pente et une augmentation de l'intercept du spectre de taille linéaire. Un résultat plus original concerne le spectre de taille quadratique: une rupture de pente est obtenue dans l'évolution de ses attributs en fonction de la mortalité par pêche. or, celle-ci correspond approximativement à la valeur du Fmsy global. Ce résultat permet ainsi de proposer un indicateur global au niveau d'exploitation de l'écosystème. Enfin, l'effet d'une mesure de gestion de plus en plus préconisée, l'instauration de zones refuges, est étudié par simulations. Les résultats montrent qu'à un niveau d'exploitation donné correspond une taille optimale de zone refuge en termes de captures globales. Il est également montré que l'instauration de zones refuges permet un compromis entre les objectifs de maximisation des captures totales et de protection de la biodiversité des écosystèmes marins.
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