Résumé :
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L'exploitation de matériaux en vallées alluviales conduit le plus souvent à la production de plans d'eau moyennement profonds (trois à cinq mètres) et de superficies variables (entre 3 et 10 ha en moyenne), appelés "carrières en eau". Leur mise en valeur pour la pêche doit distinguer deux objectifs : - l'élevage des poissons dans ses aspects relatifs à la pisciculture : cet objectif, difficile à maîtriser dans une carrière en eau qui est un milieu non vidangeable, ne sera abordé que partiellement ici. Des études et expérimentations sont actuellement en cours afin de définir les modalités permettant d'atteindre cet objectif, - la pêche d'agrément : c'est l'utilisation la plus courante. Ces carrières en eau sont assez souvent mal considérées sur le plan piscicole, parce que leurs potentialités ne s'expriment pas en l'absence d'une réelle gestion. Conscient de et enjeu, le Comité de Gestion de la Taxe Parafiscale sur les Granulats et le Conseil Supérieur de la Pêche ont engagé en 1983 une étude extensive (d'une durée de 4 ans) sur un large échantillon de 32 carrières en eau (situées principalement dans la moitié nord de la France) afin de définir : - les principaux facteurs régissant le fonctionnement de ces écosystèmes aquatiques originaux, - les éléments nécessaires à la mise en forme d'une typologie de leurs potentialités piscicoles, - des règles relatives à leur création et à leur gestion. L'échantillon des 32 carrières aux caractéristiques générales différentes, a été étudié selon un protocole standard prenant en compte la mesure des principaux paramètres physico-chimiques, l'analyse des constituants biologiques et des peuplements de poissons. Après l'analyse de l'efficacité des différentes techniques de pêche, l'étude des peuplements piscicoles (portant sur 58000 poissons pêchés) fait ressortir une association spécifique commune stable, composée d'espèces caractéristiques de ce type de milieux clos, comparables aux étangs ou aux lacs peu profonds : Gardon + Rotengle + Ablette + Brème + Tanche + Perche + brochet. Autour de ce peuplement de base, d'autres espèces s'associent (Sandre, Goujon, Chevesne, Poisson-chat, Anguille...), résultat d'introduction volontaires ou fortuites (communications). Leur installation durable semble liée aux caractéristiques intrinsèques des milieux (position géographique, climat, sites de reproduction...) qui déterminent leurs possibilités d'adaptation. L'opposition entre les milieux pauvres, faiblement diversifiés, et ceux plus riches et très eutrophes, apparaît également de façon nette. Ces différents stades d'évolution, assez bien caractérisés par certains sites, se traduisent cependant mal au niveau de la composition spécifique des peuplements masquant certainement les phénomènes naturels sous-jacents. L'analyse des données physico-chimiques souligne l'importance des relations connues entre la transparence de l'eau et la biomasse algale, définie par la teneur moyenne des concentrations chlorophylliennes. La relation entre ce paramètre et les rendements de l'effort de pêche est confirmée. Les modalités de l'oxygénation de la masse d'eau par le brassage mécanique du vent, fonction de l'exposition aux vents dominants et du "fetch", sont également bien décrites. Une partition des sites en trois groupes, définis selon les trois stades désormais classiques de trophies, est établie. Elle montre clairement une évolution des carrières vers un enrichissement progressif et une augmentation de leurs capacités productives au cours du temps. L'étude plus fine de ces relations montre cependant que l'adéquation entre la biomasse de poissons capturés et la teneur en chlorophylle n'est pas parfaite et semble traduire l'importance des perturbations anthropiques. En effet, dans ce type de milieux, les investissements en empoissonnements sont considérables et les pratiques parfois anarchiques peuvent avoir en retour des conséquences profondes sur l'ensemble de l'écosystème. Les concentrations de chlorophylle peuvent donc être considérées comme l'expression d'un niveau potentiel de production, mais il convient de veiller à maintenir un équilibre constant entre ce potentiel et la biomasse des consommateurs que sont les poissons. Une gestion rationnelle et raisonnée des cheptels piscicoles est donc essentielle à la mise en valeur de ces plans d'eau aux équilibres réputés précaires.
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