Résumé :
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Cette thèse se propose d’examiner les mécanismes de la perception des expressions faciales émotionnelles et leur développement précoce, grâce à une approche de présentation visuelle périodique rapide (Fast Periodic Visual Presentation : FPVS) couplée à l’électroencéphalographie (EEG). Plus spécifiquement, nous avons cherché à caractériser des réponses cérébrales de discrimination des expressions faciales et à déterminer l’influence d’un contexte olfactif hédonique sur ces réponses, chez l’adulte (Etudes 1 et 2) ainsi que chez le nourrisson à différents stades de développement (Etudes 3 et 4). Nous avons montré que l’adulte présente des réponses cérébrales distinctes selon l’expression faciale cible à discriminer, indiquant une catégorisation spontanée des expressions faciales de base (Étude 1). Par ailleurs, nous avons mis en évidence que la présence d’un contexte olfactif hédonique influence les réponses cérébrales de catégorisation des expressions faciales. Tandis que la réponse à la joie reste inchangée, la réponse au dégoût est moindre en présence d’un contexte olfactif hédonique agréable ou désagréable. L’effet de l’odeur est particulièrement retrouvé pour la réponse à la neutralité, la réponse étant presque absente en contexte désagréable vs. amplifiée en contexte agréable. Les odeurs hédoniques orienteraient ainsi la perception des expressions faciales vers leur propre valence émotionnelle, ou vers la valence de l’odeur pour l’expression neutre émotionnellement ambiguë, entravant ou facilitant leur discrimination des autres expressions, majoritairement négatives (Etude 2). Chez le nourrisson, une première étude a permis d’isoler des réponses cérébrales de discrimination des expressions faciales à 3,5 et 7 mois (Étude 3). Une évolution de la réponse cérébrale à la joie a été observée entre 3,5 et 7 mois (activité fronto-centrale additionnelle), suggérant l’intégration progressive de la signification émotionnelle de cette expression positive. La seconde étude a été initiée chez les nourrissons de 7 mois pour tester l’influence d’un contexte olfactif agréable sur la réponse cérébrale à l’expression de joie (Etude 4, en cours). Elle semble indiquer que la réponse à la joie est amplifiée par un contexte olfactif agréable plutôt que neutre. Ces résultats révèlent que les expressions faciales sont facilement discriminées chez l’adulte, la présence d’un contexte olfactif hédonique orientant la perception vers la valence émotionnelle de l’expression faciale plutôt que vers l’émotion de base associée en tant que telle. La valence émotionnelle des expressions pourrait être acquise précocement au cours du développement, avant 7 mois, âge auquel évolue la discrimination de la joie (positive) par rapport aux autres expressions (majoritairement négatives). En outre, à cet âge, la perception de la joie semble facilitée en présence d’un contexte olfactif agréable. Ainsi, du fait de la maturité fonctionnelle précoce du système olfactif, les odeurs pourraient activement participer à l’acquisition de la signification émotionnelle des expressions faciales au cours du développement, et faciliter la perception des expressions dont la signification émotionnelle est ambiguë chez l’adulte. Dans l’ensemble, nos travaux éclairent le rôle de l’intégration multisensorielle au cours du développement perceptif précoce et ouvrent d’intéressantes perspectives pour investiguer le développement sociocognitif et affectif typique et atypique.
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